Quand la solitude devient un ami...

Solitude. Le mot qui définissait l'aspect plutôt casanier de l'ange orpheline. Elle s'y réfugiait assez fréquemment, voire continuellement. Son attitude plutôt réservée lui était particulière. Elle se mêlait très peu aux autres prêtres et prêtresses et elle pouvait compter sur une main le nombre de personnes faisant parties de son cercle d'amis. Certes, il s'agissait que de connaissance ne partageant qu'une passion commune, à savoir, prier. Néanmoins, elle les quittait après ce moment pour déambuler aisément dans les nombreux couloirs du Temple de verre. Elle le quittait pour ainsi dire que rarement, sortant des lieux sacrés que pour de rares occasions. La plupart du temps, elle quittait sa chambre très tôt le matin pour aller se ressourcer dans une clairière qu'elle avait tout bonnement déniché un jour. Sinon, elle restait dans l'enceinte même du temple pour prier, marcher, rêver, etc. Bref, des activités auxquelles s'adonnent un solitaire... ou dans son cas, une solitaire.

Et aujourd'hui, la routine n'allait être nullement différente. Amanda s'était levée, avait fait sa prière du matin et s'était rendue aux cuisines après s'être vêtue convenablement. Ensuite, elle s'était mise à promener en empruntant nombreux couloirs sans se soucier de se perdre. Connaissance l'endroit comme la paume de sa tête, elle pouvait s'y retrouver aveuglément. Les yeux rivés au sol, elle esquivait des corps qui passaient près d'elle pour éviter de les heurter et de déchirer le silence de l'endroit saint.

Ses pas la menèrent à un endroit ouvert sur l'extérieur, à savoir un balcon offrant une vue imprenable sur l'île. Bien qu'elle ce paysage ne lui était aucunement inconnu, elle restait néanmoins émerveillée par ce tableau d'une richesse inimaginable. Toutefois, elle masqua habilemment son émerveillement, étant une personne plutôt repliée sur elle-même. Elle s'appuya à la rembarde et se laissa enveloppée d'une douce brise réconfortante et revigorante. Ses cheveux dansèrent dans le vide tandis que le bas de sa tunique flottait légèrement. Tellement enivrée par cette odeur de la nature, elle ne remarqua pas que ses ailes se déployèrent. Aussitôt qu'elle s'en rendit compte, elle les referma aussitôt et jeta un regard autour pour savoir si quelqu'un l'avait vu. Heureusement, il n'y avait personne. Elle poussa un soupir de soulagement et nota qu'elle devait quitter cet endroit. Ce qu'elle fit sans attendre. Honteuse, elle parcourut les couloirs en se précipitant dans chaque direction.

"J'ai désobéi! J'ai désobéi!" répéta-t-elle à haute voix.

Dans un tournent, elle heurta quelqu'un. Lorsqu'elle se releva, elle se mit à lui vomir excuses sur excuses.

"Pardonnez ma maladresse! Pardonnez-moi! Je ne remarquais pas où j'allais... désolée! Je suis vraiment désolée!"

Et ça continuait encore et encore. Tellement gênée, elle n'osa pas croiser le regard de la personne, ne se souciant même pas s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme. Elle ne prit même pas la peine de recevoir une réponse qu'elle rebroussa chemin vers le balcon à l'extérieur.

Là-bas, elle s'adossa à un muret à côté de l'entrée et réfugia son visage dans ses mains pour cacher le visage qui avait été victime de maladresse.

"En plus d'avoir désobéi, mon empressement m'a été une punition... Pardonnez-moi, mon Dieu..."

Et elle se mit à prier comme pour retirer un lourd fardeau de sur ses épaules. Elle ne se douta pas une seconde que la personne l'avait suivi jusqu'ici...

Heindrich était venu, comme chaque jour que Dieu fait, prier au Temple. Les journées du gardien était réglées telles des partitions de musique sacrée. Chaque moment du jour et de la nuit était réglé avec une rigueur martiale. Le militaire, qu'il était, ne se laissait distraire de son entrainement que par le temps qu'il consacrait à honorer les Dieux qu'il s'était jurés de de défendre. Ablutions et prières terminées, le guerrier de lumière avait revêtu sa cape et caché à nouveau son visage sous son capuchon. Réglé comme un automate, il s'était engagé dans le couloir d'un pas mécanique, l'esprit vide de toute pensée. Rien ne semblait pouvoir rompre le rythme qu'Heindrich s'était fixé...
Alors qu'il s'engageait dans un tournant, une jeune fille le percuta de plein fouet. Elle s'écroula aux pieds du guerrier, qui semblait figé. Heindrich fût tellement surpris par cet incident qui venait rompre sa routine, qu'il n'eût la présence d'esprit ni de relever la jeune prêtresse ni de s'excuser.
Alors que le gardien restait figé telle une endive dans un potager, la jeune femme se confondait en excuses plus ou moins audibles pour le soldat avant de s'enfuir.

*Non de non*

se dit Heindrich.

*Pauvre enfant, elle semble totalement affligée par cet évènement sans importance.*

Le gardien se mît à suivre la jeune prêtresse sur un balcon qui donnait sur l'extérieur et la scène, qu'il y vit, le stupéfia. La jeune fille bouleversée, le visage dans les mains, semblait prier.

*Çà alors... Elle culpabilise pour un si léger incident, je ne peux la laisser ainsi.*


Heindrich ne savait comment aborder la prêtresse. Il craignait de la déranger en pleine prière. Pourtant, il s'avança vers elle et lui posa la main sur l'épaule.

"Je vous en prie, Prêtresse, vous n'êtes en aucun cas coupable. Je vous pardonne volontiers si vous me pardonnez cette rencontre quelque peu brutale. J'ose penser que Dieu dans sa grande miséricorde ne nous tiendra pas rigueur de cet incident."

Heindrich posa son regard sur la prêtresse et son instinct lui dit qu'il y avait quelque chose, autre que l'incident du couloir, qui la tracassait.

"Quoiqu'il en soit, je me tiens à votre service si vous avez besoin de quoique ce soit : Heindrich Von Altegrenzen pour vous servir."

La jeune prêtresse, si innocente dans son début de vie, fut surprise, voire soulagée même, sans toutefois masquée sa décontenance, qu'une voix aussi suave et chaleureuse ait châtouillé ses oreilles. Cependant, honteuse de l'allure qu'elle portait sur ce visage pourvu de culpabilité, elle tâcha de noyer ce sentiment le plus rapidement possible pour pouvoir lever un regard vers cet homme plutôt compréhensif. D'autant plus qu'il avait abordé Dieu dans un sens qu'elle pensait, cela l'aida à la mettre en confiance quelque peu.

Au bout d'un moment, elle essuya ses larmes, voulant retirer ce masque de tristesse et de parfaite incompétente qu'elle portait, pour ainsi, inutilement. Elle prit une profonde inspiration avant de relever sa tête pour contempler cet homme qui se nommait Heindrich Von Altegrenzen. Elle l'observa un moment, comme si elle voulait trouver une pensée impure qui trahirait ses véritables intentions. Pourtant, elle laissa tomber la carte de la méfiance en remarquant qu'il ne désirait que lui rendre service et rien d'autres.

Amanda se décida enfin à se lever de sa petite stature d'ange qui dégageait une odeur de tendresse et de douceur absolue.

"Je vivrai avec cela sur la conscience pour le restant de ma vie si je vous ne pardonnerais jamais. Toutefois, comme il faut exlure le terme «jamais» de notre vocabulaire, j'accepte de vous donner le pardon. Après tout, si vous me pardonnez en retour, je serai hypocrite de ne pas en faire autant." répliqua sagement la prêtresse dans un langage soigné auquel le Grand Prêtre lui avait toujours enseigné de faire.

L'ange s'inclina légèrement vers l'avant, tirant une vérérance envers Heindrich Von Altegrenzen qui s'était précédemment présenté et offert pour lui rendre un loyal service.

"Je m'appelle Amanda Philys, prêtresse au Temple de Verre de Stellae. Je suis enchantée de faire votre connaissance, cher Heindrich Von Altegrenzen. Je suis obligée de croire que Dieu ne vous a pas mis sur mon chemin par un simple hasard." énonça-t-elle alors qu'elle s'en remettait toujours aux bonnes manières et à l'idéologie qu'on lui avait inculqué depuis son arrivée ici.

Elle promena son regard sur le personnage se tenant devant elle et se fit violence pour ne pas être tentée par la curiosité qui lui disait de lire ses pensées. Elle proféra un «non» silencieux à cette petite voix intérieure sans que tout cela ne paraisse.

"Sans vouloir être indiscrète, qu'êtes-vous venu chercher en ces lieux saints?" demanda Amanda au bout d'un moment, sa curiosité ayant remporté une bataille, mais pas la guerre.

La fraîcheur du temps de la journée amena un ami bien à elle, à savoir le vent. En effet, celui-ci étant plutôt coquin et malin, il s'aventura dans la chevelure dorée de l'orpheline, obligeant ses mèches à danser malgré tout. Dans sa légèreté, le bas de sa tunique de soie blanche ne s'épargna pas cette petite folie de mère Nature, mais resta tout de même sévère en ne cherchant pas à se promener trop haut pour incommoder la jeune femme aussi délicate que la première fleur du printemps.